M comme Malfroid

T comme TATIANA TOLSTOÏ

– Un Livre –

L’abécédaire “M comme Malfroid”

est une série d’articles inspirée de choses vues,

lues, entendues, d’actualité ou non que nous aimons

et que nous partagerons ici, sur notre blog.

 

Au détour d’une conversation (à propos de souliers) avec certains clients passionnés qui poussent la porte de nos boutiques Malfroid, il arrive que l’échange enfle et déborde devenant, comme une brioche tiède, délicieusement croustillante et agréable. On parle voyages, tailleurs, d’une bonne adresse, d’une belle table, d’un livre.

Aujourd’hui c’est “De l’élégance masculine” dont il a été question : ouvrage important et confidentiel de Tatiana Tolstoï, critique littéraire issue de l’émigration blanche. Je ne connaissais ni l’auteur, ni l’ouvrage (un grand merci à C.P.D. de m’en avoir parlé). J’ai appris que ce livre, difficile à trouver, est une bible de l’élégance masculine, un talisman précis, drôle, intransigeant et intemporel qu’on fait, paraît-il, circuler sous le manteau (entre initiés ?) tant il en existe peu d’exemplaires.

Lecture parfaite, donc, pour ou bien se rafraîchir la mémoire, ou bien comprendre et se familiariser en profondeur avec des codes et usages aujourd’hui largement disparus, ignorés, bafoués ou simplement oubliés. Un livre dont le propos aura survécu aux modes et qui semble s’imposer comme un (des) manuel(s) incontournable(s) de l’élégance (si tant est que celle-ci s’enseigne).

 

« Qu’il s’agisse de la beauté des monts, fleuves, personnages et choses, ou qu’il s’agisse de l’essence ou du caractère des oiseaux, des bêtes, des herbes et des arbres, ou qu’il s’agisse des mesures et proportions des viviers, des pavillons, des édifices ou des esplanades, on n’en pourra pénétrer les raisons ni épuiser les aspects variés, si en dernier lieu on ne possède cette mesure immense de la tenue vestimentaire adéquate. Si loin que vous alliez, si haut que vous montiez, il vous faut commencer par un simple pas. Ainsi, la tenue vestimentaire adéquate embrasse-t-elle tout, jusqu’au lointain le plus inaccessible, et sur dix millions de tenues, il n’en est pas une dont le commencement et l’achèvement ne résident dans cette tenue vestimentaire adéquate dont le contrôle n’appartient qu’à l’homme. Par le moyen de la tenue vestimentaire, l’homme peut restituer en miniature une entité plus grande sans rien en perdre…».

 

Son contenu semblera de la préhistoire pour certains, l’occasion de faire de l’archéologie appliquée pour d’autres et sera, pour quelques-uns peut-être, à la pointe d’une modernité perpétuellement recommencée, fine et tranchante puisque se réclamant d’aucune époque, d’aucune chapelle, d’aucune mode.

Livre-boussole qui permettra de s’orienter dans le beau ciel de l’élégance masculine fait de constellations stables et ordonnées. Si ce ciel semble immuable on ne doit pas oublier néanmoins qu’ « une erreur vestimentaire pensée devient un élément de style chez l’homme élégant ».

Livre-viatique utile, dans un environnement social qui manque cruellement de repères où le vêtement semble parfois devenu un accessoire sans forme ni loi permettant uniquement de couvrir une nudité.

 

Alors que, nous dit T. Tolstoï, « (…) si l’on se sert de la tenue vestimentaire adéquate comme mesure, alors, il devient possible de participer aux métamorphoses de l’Univers, de sonder les formes des monts et des fleuves, de mesurer l’immensité lointaine de la Terre, de jauger les dispositions des cimes, de déchiffrer les secrets sombres de nuages et des brumes. Que l’on se campe droit, face à une étendue de mille lieues, ou que l’on jette un coup d’œil de biais dans l’enfilade de mille cimes, il faut toujours en revenir à cette mesure fondamentale du Ciel et de la Terre. C’est en fonction de cette mesure du Ciel que l’âme du paysage peut varier: c’est en fonction de cette mesure de la Terre que peut s’exprimer le souffle organique du paysage. L’homme élégant détient la tenue vestimentaire adéquate, et c’est pourquoi il peut embrasser la forme et l’esprit du paysage » .